FRIES Elisabeth

PhD Student

SUJET

Transport et rétention de polluants fluorés dans les sols : expériences à petite échelle, imagerie par résonance magnétique et simulation numérique

CONTEXTE

L’étude des transferts de polluants dans les sols est un domaine de recherche actif. Les sols sont en effet une ressource non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine et constituent l’interface entre la surface et les ressources en eaux souterraines qu’on souhaite préserver de toute contamination excessive. Le transfert des polluants dans les sols est conditionné par plusieurs facteurs, physiques (advection sous l’effet de l’eau s’écoulant dans le sol et diffusion moléculaire notamment) et chimiques (par exemple, rétention des polluants par les constituants du sol, en fonction de la nature des substances en présence). Comprendre la manière dont les polluants sont retenus dans les sols constitue un défi scientifique (interaction (bio-)chimie-transport en milieu poreux complexe) qui revêt une grande importance pratique (préservation de l’environnement).
De nombreux modèles ont été proposés pour prévoir le transport dans les sols de différents contaminants, en particulier organiques. Ils reposent typiquement sur la détermination d’une constante de partage du contaminant entre l’eau et le sol, soit en procédant à des analyses chimiques avant et après contamination du sol, soit en ajustant à l’aide d’un modèle de transport des données expérimentales obtenues en injectant le contaminant dans une colonne de sol et en mesurant la concentration en sortie en fonction du temps (courbe de percée). Mais la détermination précise du devenir d’un polluant requiert l’obtention d’informations locales, à l’intérieur même du sol, idéalement à l’échelle de la taille des pores, sur la nature et l’intensité des processus qui gouvernent le transport. Acquérir de telles informations à petite échelle reste un véritable défi à l’heure actuelle même si l’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) constitue une voie prometteuse pour sonder l’intérieur de systèmes opaques et hétérogènes comme le sont les sols.
Plusieurs travaux récents basés sur l’IRM du proton (IRM 1H) ont été consacrés au transport de contaminants métalliques (agents de contraste et colloïdes) dans différents milieux poreux [1,2]. Néanmoins, de très nombreux polluants d’intérêt sont des molécules organiques dont il n’est pas possible de suivre le transfert dans un sol par IRM 1H. Une possibilité qui commence à être explorée consiste à utiliser l’IRM du fluor (19F). Le fluor présente en effet l’avantage d’avoir une sensibilité proche de celle de 1H et de ne pas être naturellement présent dans l’eau ou les constituants d’un sol. De plus, en IRM 1H, la détection des solutés/colloïdes d’intérêt est indirecte : leur présence fait décroître le temps de relaxation RMN des molécules d’eau se trouvant dans leur voisinage. En IRM 19F par contre (i) il est possible de quantifier directement la présence de molécules ou colloïdes fluorés et (ii) comme l’a démontré un travail très récent issu d’une collaboration entre les laboratoires Navier et EMMAH (parties prenantes de ce projet de thèse), la mesure du temps de relaxation des atomes de fluor permet d’obtenir des informations sur les interactions des solutés/colloïdes fluorés avec les constituants du milieu poreux [3].
Le choix du noyau 19F permettrait de suivre le devenir d’une famille de molécules de plus en plus étudiée dans le domaine environnemental, les composés organofluorés – substances organiques qui contiennent des liaisons carbone-fluor. Parmi ces composés, les substances perfluoroalkylées (PFAS) sont fréquemment détectées dans différents compartiments environnementaux (c’est par exemple le cas au niveau du bassin versant de la Seine [4]) et sont même pour certains bio-accumulables, ce qui explique l’intérêt que la communauté scientifique leur porte depuis quelques années. L’Amérique du Nord et l’Europe ont décidé d’arrêter la production de certains PFAS depuis 2015 [5,6] mais ils ont très souvent été remplacés par des molécules de la même famille ayant des chaînes carbonées plus courtes. Récemment, il a été préconisé que la communauté scientifique s’empare de ces thématiques pour combler les lacunes concernant les impacts sanitaires et la mobilité dans l’environnement de ces nouvelles molécules [6,7]. Ces efforts passent, entre autre, par le développement de modèles mécanistiques de transport de PFAS dans l’environnement [7].

OBJECTIFS

On s’attachera à étudier le transport et la rétention de différentes molécules perfluoroalkylées dans des milieux poreux de complexité croissante : empilements de billes de verre, sables, agrégats de sols, sols non remaniés. Nous chercherons à déterminer les processus de rétention de ces molécules dans les milieux poreux considérés (interactions hydrophobes, électrostatiques…) ainsi que leur dynamique.
Le but sera : i) d’étudier l’influence du milieu poreux sur les propriétés de transport et de rétention des PFAS ; ii) d’établir par IRM, à l’aide d’une séquence appropriée et en complément de courbes de percée, la cinétique de répartition des PFAS dans les différentes zones du milieu poreux ; iii) de simuler numériquement les données issues des expériences IRM afin de sélectionner un modèle de transport adéquat et d’ajuster ses paramètres aux données expérimentales.

MÉTHODES

La partie expérimentale s’appuiera sur la construction de colonnes garnies de différents milieux poreux. Ces colonnes seront de petite taille (hauteur maximum de 6 cm et diamètre maximum de 5 cm) pour pouvoir être intégralement insérées dans l’antenne 19F de l’IRM dont dispose le laboratoire Navier à Champs-sur-Marne. Des mesures classiques de courbe de percée seront également réalisées à des fins de comparaison (dosage des PFAS contenus dans l’effluent par spectrométrie de masse).
Les données fournies par l’IRM sont néanmoins souvent complexes et demandent de recourir à des modèles et à des simulations numériques pour pouvoir être interprétées de manière quantitative. Cette partie numérique reposera sur l’utilisation de deux modèles distincts et complémentaires : i) un modèle unidimensionnel, assemblé à partir de modules de transport de solutés, disponibles sur la plate-forme Sol Virtuel de l’INRA, dont certains seront à adapter en fonction des résultats expérimentaux et des processus mis en évidence ; ii) un modèle tridimensionnel de transport à petite échelle, afin d’évaluer les hétérogénéités radiales engendrées par les effets d’entrée dans les colonnes de petite taille qui seront imagées, pour les corriger au besoin avant d’utiliser le modèle unidimensionnel. La combinaison de ces deux modèles permettra de simuler des expériences de percée classiques ou IRM pour les différents milieux poreux qui seront étudiés.