Figure 1: schéma d'une expérience de transport (à gauche) ; données expérimentales (symboles) et modélisées (lignes) (au centre) ; stratégie de calcul du signal IRM modèle (à droite)

La combinaison modélisation & imagerie par résonance magnétique : une nouvelle approche pour caractériser le devenir des polluants dans le sol.

Dans certaines conditions, le sol joue le rôle d’un filtre protégeant les eaux souterraines de l’arrivée de polluants. Des chercheurs de l’INRA et de l’IFSTTAR ont mis au point une approche, reposant sur l'utilisation conjointe de résonance magnétique nucléaire (RMN) et de modélisation numérique, permettant d’obtenir des informations quantitatives et jusque-là inaccessibles concernant la dynamique des polluants à l’intérieur du sol. Cette avancée permettra de mieux prévoir les limites dans lesquelles le sol peut être considéré comme une barrière protégeant la qualité des eaux souterraines.

Contexte et enjeux :

Le transport de polluants à travers le sol, de la surface jusqu'à la nappe, peut altérer la qualité des eaux souterraines et les rendre impropres à la consommation humaine. Cependant, dans certains cas, le sol joue le rôle d'un filtre dans lequel les polluants peuvent être retenus, puis éventuellement être dégradés par des processus chimiques et biologiques. L'étude des mécanismes de rétention des polluants dans le sol est par conséquent une étape essentielle pour appréhender les risques de pollution de la nappe. Ces études s’appuient généralement sur l’obtention de « courbes de percée » (Fig1 à gauche) ou sur des expériences « en batch » (Fig2a) qui considèrent le sol comme une « boîte noire » et ne permettent pas de suivre directement le comportement du polluant à l’intérieur du sol.

Des scientifiques de l'INRA et de l'IFSTTAR ont élaboré une approche innovante pour "ouvrir la boîte noire". Elle repose sur l'utilisation conjointe de résonance magnétique nucléaire (RMN) - qui mesure un signal lié à la présence des polluants dans le sol - et de modélisation numérique de ce signal. Elle a été testée pour étudier le devenir de nanoparticules (NPs) et de l'acide butyrique perfluoré (PFBA), une molécule probablement très mobile dans le sous-sol qui appartient à une large famille de contaminants émergents extrêmement persistants dans l'environnement.1,2

 

Résultats :

L'imagerie par résonance magnétique du proton (IRM) a été utilisée pour suivre le transport des NPs dans des colonnes de sable. Le signal obtenu dépend des quantités de NPs en suspension et adsorbées : il peut donc être utilisé pour tester les modèles de transport et des NPs dans le sol. Pour cela, un signal est calculé à partir des concentrations de NPs en suspension et adsorbées fournies par le modèle de transport.

Figure 1: schéma d'une expérience de transport (à gauche) ; données expérimentales (symboles) et modélisées (lignes) (au centre) ; stratégie de calcul du signal IRM modèle (à droite)
Figure 1: schéma d'une expérience de transport (à gauche) ; données expérimentales (symboles) et modélisées (lignes) (au centre) ; stratégie de calcul du signal IRM modèle (à droite)

La confrontation de ce signal modélisé avec le signal expérimental permet de tester différents mécanismes de rétention des NPs de façon plus discriminante qu’en utilisant la seule courbe de percée qui apporte beaucoup moins d’informations (Fig 1, panneau central).

De façon similaire, la RMN du fluor a permis d’identifier 3 compartiments du sol dans lesquels le PFBA se répartit (Figure 2b). Nous avons montré par modélisation que ces trois compartiments correspondent au PFBA en solution (i) entre et (ii) dans les agrégats de sol, et (iii) au PFBA adsorbé sur les constituants du sol. L’abondant jeu de données recueilli associé à la modélisation permet de mieux comprendre le comportement du polluant dans le sol.

Ainsi, l’approche couplée RMN-modélisation permet l’utilisation de données qui n’étaient pas accessibles auparavant. Ceci représente une avancée majeure pour faire progresser nos connaissances sur la capacité des sols à protéger la qualité des eaux souterraines.

Figure 2. A gauche: schéma d'une expérience d'adsorption en batch. Au milieu: la RMN du fluor permet d'identifier le PFBA dans trois environnements différents. A droite: variations du pourcentage de PFBA dans chaque compartiment: expérience (symboles) et modèles (lignes)
Figure 2. (a) schéma d'une expérience d'adsorption en batch. (b) la RMN du fluor permet d'identifier le PFBA dans trois environnements différents. (c) variations du pourcentage de PFBA dans chaque compartiment: expérience (symboles) et modèles (lignes)

Perspectives :

Cette approche permettra d'étudier en détail le devenir dans le sol du PFBA ainsi que d'autres tensioactifs perfluorés de la même famille. Ces molécules sont utilisées dans un très grand nombre d'applications industrielles et domestiques mais sont toxiques, persistantes, et bioaccumulables. Certaines d'entre elles, récemment mises sur le marché, ne sont pas retenues lors des traitements actuels des eaux potables et usées et sont susceptibles d'atteindre les eaux souterraines lors du rejet de ces eaux dans l'environnement ou lors de leur réutilisation à des fin d'irrigation en agriculture. Les connaissances sur les impacts dans l'environnement de ces molécules sont encore insuffisantes pour permettre aux décideurs de règlementer leur usage. Il a été récemment préconisé que la communauté scientifique s'empare de cette thématique pour combler ces lacunes1,2. L'approche couplée RMN du fluor-modélisation représente un outil de choix pour réaliser cette tâche. Elle pourra aussi être utilisée avec profit pour l'évaluation et l'optimisation de techniques d'adsorption et de filtration destinées à retirer ces molécules des eaux potables et usées.

Voir aussi

Valorisation :

Courtier-Murias, D., Michel, E., Rodts, S., & Lafolie, F. (2017). Novel Experimental–Modeling Approach for Characterizing Perfluorinated Surfactants in Soils. Environmental Science & Technology, 51(5), 2602-2610.

Lehoux, A., Faure, P., Lafolie, F., Rodts, S., Courtier-Murias, Coussot, P. & Michel, E. (2017). Combined time-lapse magnetic resonance imaging and modeling to investigate colloid deposition and transport in porous media. Water Research, 123, 12-20.

Références bibliographiques additionnelles:

(1) Sedlak, D. (2016). Fool me once. Environmental Science & Technology, 50, 7937-7938.

(2) Wang, Z., Cousins, I. T., Scheringer, M., & Hungerbühler, K. (2013). Fluorinated alternatives to long-chain perfluoroalkyl carboxylic acids (PFCAs), perfluoroalkane sulfonic acids (PFSAs) and their potential precursors. Environment international, 60, 242-248.